La voie de l'eau


La manière dont un Ninja se jouait de l'élément liquide est une pierre maîtresse de la légende du "guerrier de l'ombre". Rivière, eau croupie ou marécage, aucune protection entourant une place forte fortifiée n'était un écran efficace contre une attaque ninja. Le ninja était capable de réaliser des faits proprement incroyables pour l'époque grâce à un matériel ingénieux et adapté à chaque type de situation (Suiki, qui lui permettait de surgir soudainement d'une surface aquatique pour fondre sur des sentinelles paralysées devant cette apparition "impossible".

Tout ninja était un parfait nageur. Il pratiquait notamment une forme de natation verticale (Suiei-jutsu) qui lui permettait de progresser tout en maintenant son paquetage hors de l'eau (ou de tirer des flèches en se redressant soudain). Il avait également un parfait entraînement pour maîtriser sa respiration dans les conditions les plus difficiles, ce qui pouvait s'avérer particulièrement pratique dans les cas de lutte corps à corps : il lui suffisait de se laisser tomber à l'eau en entraînant son adversaire, puis de se laisser simplement couler au fond et attendre en le maintenant. Le ninja connaissait aussi la profondeur à laquelle il devait impérativement se maintenir, pour nager ou simplement s'immerger, afin de conserver au dessus de lui une pellicule protectrice suffisante contre les flèches, voire balles, qui pouvaient être tirées sur lui.

Un certain nombre d'astuces et d'instruments spécialement étudiés étaient parfois nécessaires dans le cas de certaines opérations plus complexes et, toujours, créer illusion, diversion, surprise. L'outil le plus élémentaire était le Mizu-zutsu, simple tige creuse en bambou, qui lui permettait de rester sous l'eau, immobile, à attendre le passage du danger. Par la suite, de simple "schorchel" primitif, le Mizu-zutsu évolua en pipe, voire en flûte, instruments parfaitement anodins aux yeux des plus soupçonneux, et dont il suffisait de colmater certaines orifices le moment venu, à l'aide d'argile ou de mousse, pour les rendre fonctionnels. Le ninja pouvait aussi emporter dans son écharpe, spécialement enduite pour l'imperméabiliser, une petite quantité d'air qui lui laissait un peu d'autonomie s'il devait choisir de disparaître rapidement sous l'eau. On va jusqu'à avancer l'idée de l'existence de coussins d'air confectionnées dans des peaux de lapins ou de cheval.

Parmi les légendes sur les pratiques du Ninja, figurait celle de cet étrange pouvoir qui le faisait "marcher sur l'eau". En fait, le Mizu-gumo était une sorte de raquette circulaire en bois qui permettait au ninja de se tenir debout dans l'eau, jambes à demi-enfoncées dans le liquide, s'équilibrant sur la poussée d'Archimède. Le Ukidaru, sorte de parapluie inversé, lui permettait également de se maintenir ou de se déplacer rapidement sur l'eau. Il y avait aussi le Uki-gusa, à mi-chemin entre la lanterne et la bouée cylindrique. Ces objets pouvait passer pour des outils de pêcheurs.

Les Shinobi-bune, Kagata-hasami-bune et Tsugi-bune étaient divers types de barques légères fabriquées en bois dur mais léger, pliables ou rapidement démontables en plusieurs éléments transportables séparément. Facilement opérationnelles, ces petites embarcations pouvaient être aisément cachées près de l'endroit stratégique, soit avant l'action, soit après. 

Le Ryu-o-sen, "la barque du dragon" était un sous-marin de poche. Il fut tellement efficace que le célèbre Hattori Hanzo conçu la parade sous la forme d'un chasseur de sous-marin (le Maruha-bune), qui battait l'eau de ses lames métalliques. Pour rappel nous étions au XVIIe siècle, la prémices de la guerre moderne était déjà là.

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