Il parait tout à fait vraisemblable que les premiers éléments de « l’art de l’invisibilité » vinrent de Chine, comme ce fut le cas de toute la base de la civilisation japonaise. On trouve également trace de ce même concept chinois dans l’ancien royaume coréen de Silla (sud-est de la péninsule de Corée), qui l’appela Shin-Bop et eut sous le nom de Sul-Sa le même type de guerrier, homologue du Ninja. Mais plus encore la Corée, les îles japonaises ont été le cul de sac où aboutirent quantité de courants spirituels et techniques venus de l’Inde, du Tibet, de Chine, de toute l’Asie du sud-est. On y trouve, mêlés, des enseignements philosophiques et religieux, des pratiques ésotériques, de profonds éléments de connaissance de l’homme et de la nature, des techniques de combat ou de simple survie, autant d’héritages que les japonais amalgamèrent à leur goût pour faire leur propre culture. C’est ainsi notamment que l’enseignement du célèbre sage chinois Sun Zi (Sun Tzu) qui vécu au VIe siècle avant JC, fut introduit au Japon à partir du VIe siècle après JC. On y trouve les premiers conseils pour harceler l’ennemi, le déconcentrer, l’infiltrer, l’abuser. Autant de domaines dans lesquels excellera le ninja.
Le Japon de l’époque des Soga (début du VIIe siècle) s’ouvrit en effet largement à la civilisation du continent. Le bouddhisme fit alors son apparition et la cour impériale l’adopta rapidement car Iname, un puissant ministre de l’époque, y voyait un outil politique plus encore qu’un véhicule de culture chinoise enrichissante. Ainsi, en répandant avec force la nouvelle religion, Iname, puis son fils Umako, plongèrent-ils le Japon dans une terrible lutte entre les tenants du Bouddhisme, la religion importée, et ceux du Shinto, l’ancienne religion indigène. C’est dans ce contexte troublé qu’apparut le prince impérial Shotoku-taishi (572-621), champion de la culture chinoise qu’il continua d’imposer à la cour et à travers le pays par la construction de temples. Or plusieurs sources sérieuses font état de la création par Shotoku d’un véritable corps d’agents secrets engagés pour épier les clans d’oppositions et les réduire…On sait aussi qu’un certain Otomo-no-saijin (Kuhi) contribua fortement à la victoire de son jeune prince, Shotoku, sur son adversaire Mononobe Moriya, dans leur lutte pour le territoire d’Omi et que, pour le récompenser, Shotoku le gratifia du nom de « Shinobi » (furtif). Compliment impérial ! Or, comme on le sait déjà, l’idéogramme pour « Shinobi » se lisant aussi « Nin », il semblerait bien que l’on puisse établir dès cet instant de l’histoire du Japon un rapport tout à fait direct, au moins en ce qui concerne un comportement, une intention et un procédé. Il n’est cependant pas encore question de techniques bien caractérisées. Celles-ci vont finir par apparaître lentement, individualisées, ici et là, au cours des siècles suivants, permettant la réalisation pratique de ce qui ne fut longtemps qu’un état d’esprit. Cette lente gestation d’un nouveau type de guerrier se fit dans le secret des montagnes autour de la ville impériale de Kyoto, au centre du pays : pendant cinq siècles, l’histoire du ninjutsu se confondit avec celle d’un certain nombre d’autres marginaux qui avaient choisi de vivre dans l’isolement des montagnes.
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